Auteur : Jennifer Fernando
Fin juillet, un pétrolier avec à son bord près de 4 000 tonnes de carburants s’est échoué au large de l’Île Maurice. Une fissure dans la coque a provoqué une fuite d’hydrocarbures mettant en danger une zone maritime protégée. Des images prises par divers satellites ont permis de réaliser l’ampleur de la catastrophe écologique en cours. Comment les observations de la Terre par satellites peuvent servir aux équipes d’interventions au sol ? Retour en images.
Une catastrophe écologique majeure
Le 25 juillet 2020, le vraquier japonais MV Wakashio s’est échoué sur la barrière de corail au sud-est de l’Île Maurice dans le lagon de la Pointe d’Esny (Figure 1) avec une brèche au niveau du flanc du navire. Malgré des opérations pour pomper une partie des 4000 tonnes de carburants à bord, près de 1000 tonnes ont été déversé dans l’océan polluant ainsi les récifs coralliens, les zones sous-marines, les lagons et les plages au alentour et menaçant une zone humide reconnue par l’UNESCO comme un site protégé.
Figure 1 : Image prise par les satellites Sentinel-2 du programme européenne Copernicus le 11 août 2020 (©contains modified Copernicus Sentinel data (2020) produced by ESA[3]) montrant le vraquier en bas de l’image échoué près de la zone humide de la Pointe d’Esny. La nappe d’hydrocarbure est détectable sur l’image sous la forme de fines lignes noires qui contrastent avec la couleur turquoise des eaux environnantes. Autour du lagon ainsi que du vraquier, des spots d’hydrocarbures sont également visibles.
Une course contre la montre était donc lancée pour limiter au mieux les dommages de cette marée noire sur l’environnement qui pourrait avoir à long terme des conséquences néfastes sur l’économie de l’île (reposant essentiellement sur la pêche et le tourisme) ainsi que sur ses habitants. Compte tenu de l’ampleur de la catastrophe, le 7 août, le premier ministre mauricien, Pravind Jugnauth, déclare l’ « état d’urgence environnemental ».
Tandis que les premières aides arrivent de la France et du Japon afin de contenir et pomper les hydrocarbures déversés, la population se mobilise en parallèle pour aider à la protection ainsi qu’au nettoyage des plages et des récifs coralliens alentours.
La Charte Internationale Espace et Catastrophe Majeures activé
En réponse à cette catastrophe, la Charte Internationale Espace et Catastrophe Majeures a été activée le 8 août. Cette charte a pour but de fournir aux autorités compétentes en charge de la gestion des situations de crises d’origine naturelle (feux de forêts, inondations, tremblements de terre) ou anthropique (déversement d’hydrocarbures, accidents industriels) des données satellites issues de différentes agences spatiales et organisations de surveillances des catastrophes dans le monde.
La Charte, lorsque qu’elle est activée, permet ainsi de coordonner les ressources et l’expertise afin de soutenir les autorités locales et les organisations humanitaires à répondre au plus vite à une situation d’urgence, un exemple de coopération internationale. Depuis 2000, la Charte a été activé 675 fois dans 126 pays[1].
Des images satellites pour comprendre l’ampleur de la catastrophe et faciliter les interventions sur place
Les données satellitaires ainsi acquises et rapidement distribuées grâce à l'activation de la Charte apportent un soutien complémentaire aux dispositifs disponibles sur le terrain et viennent appuyer les interventions sur place. Parmi l’ensemble des données disponibles, les données issues des imageurs optiques (caméras capables de mesurer la lumière solaire réfléchie (i.e. réflectivité) par la surface) sont souvent privilégiés. En effet, par leur capacité à fournir des images (en fausse couleur), ils permettent de cartographier tout élément naturel ou artificiel présent sur la zone à explorer et d’étudier son évolution dans le temps et l’espace. De plus, par le caractère synoptique des données satellites (haute fréquence de revisite, large empreinte en surface), il est possible de suivre des phénomènes naturels ou anthropiques quasi en temps réel et à hautes résolutions spatiales.
Pour cet événement, plusieurs images acquis par des satellites d’agences spatiales différentes ont pu être utilisées permettant aux autorités compétentes de bénéficier de divers jeux de données avec des caractéristiques instrumentales (résolution spatiale) et satellitaires (fréquence de revisite) variées pour cartographier au mieux l’étendue de la marée noire.
Ces données ont permis de rapidement cartographier l’ampleur de la catastrophe, d’identifier les zones touchées et de suivre dans le temps et l’espace l’évolution de la nappe d’hydrocarbures (Figure 2), des informations précieuses pour les acteurs sur le terrain pour faciliter le nettoyage et localiser les territoires protégés pouvant être menacés.
Figure 2 : Image prise par le satellite français Pléiade 1-A (©CNES 2020, distributed by Airbus DS) le 14 août 2020 (cliquez sur les images pour avoir les avoir en gros plan). Sont cartographiés sur ces images l’étendue spatiale de la marée d’hydrocarbure (en rose plain) et les barrages de protection montées pour confiner la marée (en tireté noir et rose) (©OpenStreetMap contributors, refined by SERTIT). Deux autres produits datant du 16 et 27 août 2020 sont également disponibles ici et ici permettant d'observer l'évolution des nappes dans l'espace et le temps. (cartes produites par SERTIT, ©SERTIT 2020[4]).
Toutes les images ainsi que les produits dérivés utiles sont disponibles sur le site officiel de la Charte Internationale Espace et Catastrophe Majeures[2].
À propos de l'auteur : Jennifer Fernando est consultante en stratégie environnementale. Elle est docteure en sciences de la Terre et diplômée de Sciences Po en politique environnementale. Contact : jfernando.consulting@gmail.com Site internet : https://www.jennifer-fernando.com Références :
[1] Site officiel de la Charte Internationale Espace et Catastrophe Majeures : https://disasterscharter.org/web/guest/about-the-charter [2] Site de référence où sont répertoriés les images et produits dérivés concernant la marée noire à l’Île Maurice : https://disasterscharter.org/fr/web/guest/activations/-/article/oil-spill-in-mauritius-activation-666- [3] ESA, Mauritius oil spill, 11/08/2020 : http://www.esa.int/Applications/Observing_the_Earth/Copernicus/Sentinel-2 [4] Site internet de la plateforme SERTIT, service du laboratoire ICube : https://sertit.unistra.fr/cartographie-rapide/?action=699
Pour aller plus loin :
CNES, Pléiade à votre service : https://www.youtube.com/watch?v=F14FlyhaVgU
ESA, Sentinel-2 : https://sentinel.esa.int/web/sentinel/missions/sentinel-2
Si vous êtes à la recherche de conseils, de formation ou de services relatifs à l'utilisation des observations de la Terre par satellites pour la prise de décision et la gestion durable et résiliante des territoires et de ses ressources, veuillez me contacter par email (jfernando.consulting@gmail.com). Pour plus d'information : https://www.jennifer-fernando.com/services.
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