Depuis deux semaines, l’ouest des Etats-Unis et du Canada connaît une vague de chaleur sans présent et des températures de l’air et du sol record. À cette occasion, zoom sur les cartes de la température du sol dans la région qui témoignent du caractère spectaculaire de l’événement.
Donnée du jour : Images acquises par l’instrument Sea and Land Surface Temperature Radiometer (SLSTR) à bord de la constellation Sentinel 3 (Sentinel-3A et Sentinel-3B) montant la température du sol (Surface Land Temperature, SLT en anglais) au cours des derniers jours. En haut, l’image a été prise le 18 juin 2021 au niveau des Etats-Unis, au milieu le 27 juin 2021 et en bas le 29 juin 2021 au niveau du Canada et des Etats-Unis (© European Union, Copernicus Sentinel-3 imagery).
Description : Depuis deux semaines, les températures de l’air augmentent pour atteindre des records. Ce phénomène est dû à une masse d’air très chaude, venant du Mexique qui stagne depuis plusieurs jours à l’ouest des Etats-Unis et du Canada favorisée par la situation actuelle des courants atmosphériques (voir encadré plus bas). La température présentée ici est la température de la surface (du sol), à ne pas confondre avec la température de l’air au niveau du sol. La température de la surface reflète en effet la chaleur au toucher du sol en un lieu donné. Les données satellites montrent que les températures de surface ont atteint, le 29 juin 2021, 43°C à Vancouver, Calgary et Portland. Les températures les plus chaudes mesurées sont situées dans l'État de Washington (image du bas en rouge foncé) avec un maximum de température de surface au alentour de 69°C. Ces températures de surface anormalement élevées couplées à celles de l'air témoignent du caractère spectaculaire de la vague de chaleur qui sévit dans la région.
Mais d’où vient cette chaleur émise par le sol ? La Terre reçoit et perd de l’énergie thermique via le système climatique et plus particulièrement via les échanges entre les différentes enveloppes terrestres : la terre, l’atmosphère, l’océan, la cryosphère et l’hydrosphère. La surface terrestre reçoit d’une part une partie du rayonnement solaire (correspondant à env. 35% de l’énergie totale reçue) et d’autre part une partie du rayonnement issue de l’atmosphère sous forme de rayonnement infrarouge (correspondant à env. 65% de l’énergie totale reçue). Cette énergie reçue est ré-émise principalement par la surface terrestre sous forme de rayonnement infrarouge vers l’atmosphère (env. 71% de l’énergie totale émise). C’est cette composante qui est estimée par les radiomètres à bord des satellites qui mesurent ainsi la température du sol dans la gamme de l’infrarouge dit thermique.
En contexte de dérèglement climatique, le réchauffement global observé est induit par la hausse de la concentration de gaz à effet de serre suite aux activités anthropiques. Cette augmentation conduit à une accentuation de l’absorption directe du rayonnement infrarouge émis par le Soleil et du forçage radiatif issu de l’absorption de l’énergie provenant des différentes enveloppes terrestres (sol, atmosphère, océan). Cela crée ainsi un déséquilibre du bilan radiatif : le système Terre absorbe ainsi plus d’énergie qu’il ne ré-émet vers l’espace et par conséquent, la température moyenne de la Terre augmente.
La mesure de la température de surface obtenue par les satellites est donc pertinente, car elle permet de mieux comprendre et de mieux quantifier l’impact de l’accroissement de la concentration des gaz à effet de serre atmosphériques à la surface de la Terre et d’évaluer comment cette augmentation affecte les écosystèmes terrestres tels que les glaciers, les banquises ou encore la végétation.
Il est encore difficile de dire avec certitude si cet épisode est en lien direct avec le dérèglement climatique. Cependant, cet événement fait partie des nombreux événements constatés qui montrent une augmentation de l'intensité et de la fréquence des vagues de chaleur et canicules en différents points de la planète. Les risques liés à la multiplicité et à l’intensité de ces phénomènes sont divers avec des impacts néfastes à la fois sur la santé environnementale (sécheresses et feux de forêt) et sur la santé humaine (dégradation de l’état de santé des personnes les plus fragiles voire la provocation de décès prématurés).
Ce nouvel événement rappelle une nouvelle fois que l'urgence est bien là et qu'il faut agir maintenant pour limiter le réchauffement global et mettre en place sans attendre des solutions d'adaptation face aux impacts malheureusement déjà visibles du dérèglement climatique.
Zoom sur les missions et données satellites : Le principe de mesures de la température de la surface par télédétection est basé sur les propriétés de la surface à émettre dans l’infrarouge thermique détectable via des radiomètres infrarouge thermique. La température de la surface est estimée à partir de la mesure par les radiomètres de la température de brillance en haut de l’atmosphère dans la gamme spectrale de l’infrarouge. Cette dernière est corrigée des contributions atmosphériques et convertie en température de surface. Les images présentées ici ont été acquises par l’instrument Sea and Land Surface Temperature Radiometer (SLSTR) à bord de la constellation Sentinel 3 du programme européen Copernicus.
*Observing Systems Capability Analysis and Review Tool (OSCAR), WMO, disponible ici : https://www.wmo-sat.info/oscar/satellites
À propos de l’auteur :
Jennifer Fernando est conseillère en stratégie environnementale basée sur l'utilisation des données de l'observation de la Terre par satellites. Elle accompagne les acteurs des territoires (établissements publics, collectivités, entreprises, ONG/associations/fondations, citoyens) qui souhaitent utiliser les données et images satellites dans le but de faciliter l'évaluation, la gestion et le suivi des ressources naturelles (eau, forêt, sol, air, écosystèmes, biodiversité) et des changements globaux (pollution, pénurie, dérèglement climatique). Elle accompagne également les acteurs de la communauté du spatial (start-ups, PME, ETI, agences spatiales) qui développent des missions spatiales et/ou exploitent les images et données satellites et qui souhaitent développer des applications au plus proche des besoins des utilisateurs finaux et les valoriser auprès d'eux.
Contact : jfernando.consulting@gmail.com
Site internet : https://www.jennifer-fernando.com
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